Document

• Auteur(s)Piron, Alexis
• Auteur Années1689-1773
• TitreChanson
• Date et lieu de création1732
• Langue(s)fre

Publication, distribution

• Contexte-intertexteLe paragraphe liminaire inscrit sur la marge du fol. 1r se présente en ces termes : "L'Abbé L* * * sur qui fut calqué le Francaleu de la Métromanie, cest à dire un homme aimable & enjoüé qui s'amusoit à faire des vers au dessous du médiocre, qu'il donnoit pour tels & dont Il régaloit ses amis étoit assious à un repas périodiq[ue] qu'un Académicien honoraire donnoit touttes les semaines à des prétendus sçavans de son corps. Ces M.rs par une plaisanterie sy peu pezante à leur façon firent fraper l'estampe cy jointe intitulée La Muse éclopée. Il en fut piqué & me pria de Luy fournir des armes contre les Rieurs qui l'attendoient à la premiere dînée; Jusqu'alors, Il nous avoit parlé avec emphâze de ce dîné de sçavans où Il s'honoroit d'être admiré, & je luy avois toujours fait la guerre de cela, comme d'une Vanité assez mal entenduë sentant mieux que Luy & le malheur de son role & la qualité de celuy de convives. Je le vangeay donc tres volontiers par les couplets suivans qu'il leur chanta l'Estampe à la Main."
  
  L'Abbé L* * *, lequel, d'après ces lignes, aurait servi de modèle pour le personnage de Francaleu (figure du poète épris par son art) dans la comédie que Piron écrivit en 1736 et qu'il intitula "La Métromanie", fut son ami et correspondant : il s'agit de l'Abbé Legendre (ou "Le Gendre").
  Prieur de Saint-Ouen, il était le frère de Marie Anne Doublet, dite Doublet de Persan, née Legendre (1677-1771), salonnière et femme de lettres. Elle animait avec son frère un célèbre salon nommé "La Paroisse" où se réunissaient des hommes de sciences, de lettres et de la politique, parmi lesquels Piron.
  Les membres de cette société se retrouvaient deux fois par semaine chez Mme Doublet pour réunir les nouvelles (informations récentes politiques et autres) sur des registres et les compléter afin de distinguer les douteuses des vraies. De ces registres, Louis Petit de Bachaumont, président du salon, réunissait les nouvelles récoltées par les "Paroissiens", les éditait et les redistribuait sous forme de « nouvelles à la main », dont la diffusion dans le tout Paris eut lieu dans les années 1770 et se développa par la suite en France pour se diffuser jusqu'aux Pays-Bas et en Allemagne. Deux exemplaires de ces nouvelles ont été conservés dans un ouvrage anonyme, Mémoires secrets pour servir à l'histoire de la République des Lettres depuis 1762 jusqu'à nos jours, chronique d’événements entre 1762 et 1787 (attribués à Louis Petit de Bachaumont).
  
  La Muse Eclopée est le titre d'une estampe réalisée par le Comte de Caylus (1692-1765), antiquaire, homme de lettres et graveur, autour de 1720: http://jocondelab.iri-research.org/jocondelab/notice/410230/. L'estampe est actuellement conservée au musée national du château de Pau. D'après le texte liminaire, le manuscrit aurait été accompagné d'une copie de cette même estampe.
  
  On retrouve l'expression "la muse éclopée" dans plusieurs lettres de Piron à l'Abbé Legendre, à savoir les lettres V, XVII, XX et XXI datant de 1728 à 1730 (cf. Bibliographie). La première de ces occurrences, dans la lettre V, est tout particulièrement intéressante car elle rend compte de l'existence d'une chanson, jamais publiée, écrite par l'Abbé Legendre, dans laquelle celui-ci apostrophe la muse. Piron en fait l'éloge comme suit : "j'admire, comme je le dois, votre chanson bachi-élégiaque; elle est digne de votre cœur et de votre esprit, (…) Quant au mot d'épopée qui rime si bien dans votre apostrophe à la muse éclopée, et dont vous ne savez pas le sens, je vous en offre autant; il n'a tenu qu'à moi, à l'ouverture de quelques livres, de faire étalage d'érudition, mais le frère n'en doit pas savoir plus que le supérieur; je vous renvoie aux repas des mercredis pour ces nobles fariboles, et tout poète de profession que je suis aussi bien que vous, j'avoue gaiement mon ignorance sur les termes du métier. (…) Messieurs les savans l'ont beau contre nous, s'ils vont à savoir cela (…). Si épopée ne veut rien dire où il est, tant pis pour épopée, que ne raisonne-t-il quand il rime? Sont-ce donc là vos affaires? Que les choses s'accommodent avec les mots, si elles veulent, vous n'êtes chargé que de l'arrangement des mots, et que le diable ou le hasard fasse le reste. (…) Si je sais ce que j'écris, que le grand diable m'emporte, et voilà le beau, demandez à la muse éclopée." (Lettre V, p.58)
  De même, l'édition de la XXIème lettre dans La Gazette littéraire
  de l'Europe, volume 93, E. van Harrevelt, Paris, Septembre 1779, p.11, signale en note que "La Muse Eclopée", serait une chanson de l'Abbé "Le Gendre". Par ailleurs, l'Abbé Legendre et Piron se transmettaient régulièrement des œuvres l'un à l'autre, comme en témoignent notamment les lettres XV et XXXI où il est question d'un conte que l'abbé attend de Piron.
  

Edition

Description matérielle

• TypeManuscript
• Collation1 bifeuillet (= 2 fols. 217 x 170mm) de papier blanc vergé maculé par endroits de petites taches rousses (foxing), surtout au fol. 1. Absence de pliures.
  Texte autographe écrit à l'encre noire, centré sur la page, écriture très soignée au recto et verso. Il s'agit d'une chanson en dix huitains. Absence de correction ou de rature. Le titre "Chanson / Sur L'air des Pélerins." apparaît à la suite d'un paragraphe de 9 lignes, situé sur la marge supérieure du fol. 1r., en petits caractères : "Mr. L'Abbé L* * * sur qui fut calqué le Francaleu de la Métromanie, cest à dire un homme aimable […] Les couplets suivans qu'il leur chanta l'Estampe à la Main". Inscription autographe "porté sur / le recueil / au nèt." sur la marge de gauche (fol. 1r). A la suite du poème : l'auteur a inscrit la date "1732". Absence de signature.
  Quelques inscriptions au crayon à papier : au fol. 1r, sur la marge supérieure (inscriptions effacées), sur la marge de gauche (lettre "C" [barrée]); au fol. 2v, à l'angle inférieur droit, inscription de libraire au crayon à papier.
  Le nombre 133, inscrit au crayon à papier à l'angle inférieur gauche de la pochette de conservation et du fol 1r., de la main du libraire Heinrich Hinterberger, correspond au numéro de ce ms. dans la liste tapuscrite envoyée par Stefan Zweig à Martin Bodmer, à l'occasion de la vente de sa collection.

Remarques

• Remarques généralesL'expression ou l'image de la muse éclopée pour représenter la "pauvreté" de la poésie pré-existait au texte et à l'estampe éponyme. En effet, une première apparition de l'expression "la muse éclopée" se trouve au cœur d'une dispute entre Jean-Baptiste Rousseau (1669-1741) et un abbé : le second critiqua l'un des poèmes du premier et en réponse celui-ci composa le rondeau intitulé Portrait d'un Abbé ou Rondeau contre l'Abbé Courtin où il met en scène un Phébus se demandant : "(…) quelle est donc cette muse éclopée / Qui vient ici racler du violon / En Manteau court?" (cf. Les œuvres de Mr. Rousseau, tome II, P. Ribou, Paris, 1716, p.77).
  
  Enfin, plus tard, l'expression "muse éclopée" apparaît en tant qu'expression usitée dans Le génie de la langue française ou dictionnaire du langage choisi, contenant la science du bien dire, toutes les richesses poétiques, toutes les délicatesses de l'élocution la plus recherchée, E. Desrez, Paris, 1846.
• RésuméManuscrit autographe mis au propre et non signé d'une chanson inédite.
• BibliographieLettres de Piron à l'Abbé Legendre :
  Mélanges publiés par la Société des Bibliophiles Français, Vol. IV, F. Didot, Paris, 1826 : Google Books.

Identification

• ConstellationManuscrits Autographes
• PID1990
• Cotems. Bodmer P-18.1