Document

• Auteur(s)Saint-Simon, Louis de Rouvroy de
• Auteur Années1675-1755
• TitreP[our] chiffrer a M le Cl. Gualterio
• DestinatairePhilippe-Antoine Gualterio (1660-1728)
• Date et lieu de création8 décembre 1727
• Langue(s)fre

Publication, distribution

• Contexte-intertexteLettre envoyée une demie année avant la mort du Cardinal Gualterio. En décembre 1727, le Roi Louis XV (1710-1774) était alors dans sa dix-septième année et débutait sa sixième année de règne.
  Dans cette lettre, l'auteur fait référence à plusieurs personnes et aborde divers sujets ayant trait à la vie et aux affaires politiques de la cour du jeune Roi Louis XV :
  - Le destinataire de la lettre est Philippe-Antoine Gualterio (1660-1728). Il fut élu nonce apostolique (ambassadeur permanent du Saint-Siège) en France en 1700 et fait Cardinal en 1706. Il devint légat apostolique (ambassadeur extraordinaire envoyé par le pape) auprès de la cour de France.
  - Au fol. 1r, dès les premières lignes, l'auteur fait référence à Germain-Louis Chauvelin (1685-1762), nommé garde des sceaux le 17 août 1727 agissant sous les ordres du Cardinal de Fleury. Nouvellement nommé à ce poste, il semble que le Cardinal Gualtiero avait demandé dans l'une de ses lettres à Saint-Simon que ce dernier lui rende visite pour l'assurer de son respect.
  - Saint-Simon mentionne au fol. 1 "Monsieur le Duc", objet d'une très grande attention de sa part, peut-être à la demande du Cardinal Gualtiero. Il s'agit du Duc de Bourbon, Louis IV Henri de Bourbon-Condé (1692-1740), élu premier ministre du Roi de 1723 à 1726. Durant son mandat il arrangea le mariage du Roi, après lui avoir conseillé de rompre ses fiançailles avec l'Infante d'Espagne. Son mandat se solda par son exil après sa longue mésentente avec le Cardinal de Fleury. Saint-Simon informe également le Cardinal Gualtiero, dès le fol. 1r, du rapport du Duc à sa mère "Me la Duchesse" (Louise-Françoise de Bourbon, 1673-1743) femme qui exerçait une considérable influence sur son fils.
  - Le Cardinal de Fleury, que l'auteur évoque à partir du fol. 1r, André Hercule de Fleury (1653-1743), fut Évêque de Fréjus, puis nommé précepteur du Roi à partir de 1716 par le Duc d'Orléans, alors Régent. Il eut une influence considérable sur le jeune Roi. Toutes les réunions importantes entre le Roi et le Duc de Bourbon, son premier ministre, devaient se tenir en présence du Cardinal de Fleury. Cette relation n'ayant pas tardé à gêner le premier ministre, ce dernier usa de tous les moyens (le choix de la Reine, la reconnaissance qu'elle nourrira à l'égard du Duc) pour affaiblir l'influence du Cardinal. En vain, il fut condamné par le Roi à quitter sa position et remplacé par le Cardinal de Fleury à partir de 1726.
  
  Saint-Simon évoque en premier lieu, dans cette lettre, la résolution d'une affaire qui débuta en février de l'année 1725 et qui déboucha sur le renvoi de l'Infante d'Espagne (Marie Anne Victoire). Après un malaise du Roi, et pour lui assurer une succession rapide et éviter l'accession au trône par son cousin, le Premier Ministre, Duc de Bourbon, renvoya l'Infante d'Espagne, alors destinée à épouser le Roi mais trop jeune pour lui assurer une descendance. Le duc maria le Roi en 1725 à Maria Leszczynska, fille du Roi de Pologne alors en exil, qui avait 21 ans. Par ce geste il s'assura une alliée auprès du Roi en la personne de la future Reine. Le 1er mars 1725 l'Infante-Reine dut alors repartir pour l'Espagne, ce qui représenta "le plus complet affront" pour le Roi d'Espagne (Philippe V). La lettre commence en mentionnant la paix retrouvée entre le Duc et le Roi d'Espagne, grâce à l'intervention du Cardinal de Fleury (premier ministre).
  Dans le prolongement du sujet, Saint-Simon poursuit avec le récit du retour du Duc de Bourbon à la cour, le temps d'une visite. Après avoir été contraint par le Roi de quitter son poste, le Duc revient à la cour pour voir le Roi et s'entretenir avec la Reine, le premier ministre, et Madame la Duchesse, sa mère. Pourtant, dit Saint-Simon, sa situation semble perdue : "le Roy l'a éloigné, et a eu peine à se résoudre à le voir. Il faut mesme qu'il n'y ait pas eu d'espérance d'aucun accueil supportable, à la façon toutte mystérieuse dont cela s'est passé" (fol. 1r). Saint-Simon décrit avec le plus grand détail, malgré le huis clos, la courte entrevue privée avec le Roi (accompagné du Cardinal) : "M. le Duc luy dit qu'il avoit esté fort en peine du mal que S. M. s'estoit fait au genouil en tombant de son lit. Le Roy, sans luy rien dire pour luy, raconta longuement cette aventure, et M. le Duc se retira, n'ayant pas esté tout à fait un quart d'heure dans le cabinet". Puis il narre l'entretient du Duc avec la Reine : celle-ci, après l'entrevue, "sortit de son cabinet, il parut qu'elle avoit pleuré". L'auteur de la lettre informe également son interlocuteur de l'entrevue du Duc avec le Cardinal : "la conversation fut générale, sans rien du passé, et de choses publiques des affaires présentes".
  Saint-Simon relate ensuite la visite officielle du Duc à Paris, lors de laquelle il rencontra "M. Le Blanc": "sa visitte s'y est passée en public, en discours de la pluye et du beau temps, M. le Duc luy en adressant aussy tost la parole, et comme s'il ne s'estoit rien passé entreux, et dans compliment de retour de part ny d'autre". Claude Le Blanc (1669-1728), Secrétaire d'État de la Guerre, fut accusé en 1723 par le Duc, d'avoir détourné les fonds de son ministère, dans ce que l'on nomma "l'Affaire La Jonchère", scandale qui le fit démissionner (il fut même emprisonné pour un temps). Il regagna son poste à la suite de la chute du Duc.
  Les relations du Duc avec le Roi font l'objet de rumeurs d'après Saint-Simon, mais "Personne ne doutte néantmoins (...) qu'il n'aura jamais de part en sa confiance, ny en ses affaires" (fin du fol. 1v).
  
  Aux fols. 2r-v, Saint-Simon traite entre autres des affaires de Françoise Marie de Bourbon (1677-1749), fille légitimée du Roi Louis XIV, duchesse d'Orléans à partir de 1701, dont la fille avait été pendant quelques mois Reine d'Espagne en épousant le très jeune Louis Ier qui mourut peu après. Cette "Reine" fut rendue en 1725 à la France au lendemain du renvoi de l'Infante d'Espagne (cf. plus haut). Au fol. 2v, Saint-Simon parle également des nouvelles alliances du Roi d'Angleterre (Georges II, 1683-1760), couronné depuis un an.

Edition

Description matérielle

• TypeManuscript

Remarques

• RésuméRapport secret à envoyer chiffré au Cardinal Gualterio, contenant une description très détaillée des situations du Duc de Bourbon, du Roi Louis XV et de la famille royale espagnole.
• BibliographieLettre publiée dans :
  BOISLISLE, A. (de), "Lettres de Saint-Simon : au Cardinal Gualterio" in Annuaire-Bulletin de la Société de l'histoire de France, Vol. 25, No. 2, Boccard, Paris, 1888, pp. 239-280 (Pour la lettre, cf. pp.275-280) : JSTOR

Identification

• ConstellationManuscrits Autographes
• PID2001
• Cotems. Bodmer S-9.1