Document

• Auteur(s)La Fontaine, Jean de
• Auteur Années1621-1695
• TitreLe cochet, le chat et le souriceau
• Langue(s)fre

Publication, distribution

• Contexte-intertexteLes quatre manuscrits conservés à la Fondation Martin Bodmer qui sont considérés comme des faux autographes de La Fontaine ne figurent pas au catalogue publié par Bernard Gagnebin en 1973, ce qui laisse entendre qu’ils avaient déjà pu être identifiés comme des forgeries avant cette date. Toutefois Martin Bodmer a certainement acquis ces manuscrits de bonne foi, en estimant qu’ils étaient autographes. La présence d’un certificat d’authenticité non daté mais relatif à une vente du mois de mars 1952, signé de l’expert indépendant Hellmut Meyer de la maison Hellmut Meyer und Ernst, Autographenhandlung und Antiquariat (Berlin, fl. 1931-1955), atteste à cet égard des précautions prises pour au moins l’un des manuscrits à l’époque de son entrée dans la collection. Cependant, bien que ce certificat soit aujourd’hui placé en tête des deux pièces présentées ici, rassemblées dans une même reliure, il porte en fait sur une troisième, Un fou et un sage, comme le laissait par ailleurs entendre son contenu même, ne désignant qu’un seul manuscrit, proposé à la vente par la galerie Rosen de Berlin. Il conviendra donc de reporter les remarques d’Hellmut Meyer à ce manuscrit, pour lequel par ailleurs nous ne disposons pas de reproductions numériques et dont nous n’avons pas pu consulter l’original.
  
  Ce manuscrit de Le Cochet, le chat et le souriceau est localisé pour la première fois à Londres, où il fait partie de la collection Alcide Donnadieu (c. 1791-1861). cf. LUGT, Frits, Les marques de Collections de Dessins et d’Estampes, Vereenigde Drukkerijen, Amsterdam, 1921, p. 18, n° 98-99 : « Le capitaine Alcide Donnadieu était fils du général Gabriel vicomte Donnadieu (1777-1849). Il servit d'abord dans l'armée de Napoléon et vint se fixer en Angleterre vers 1829. Gagna d'abord sa vie comme musicien doué et chanteur. Il fit un commerce important de dessins et d'autographes et demeura longtemps au 8 Duke Street, Piccadilly, où il mourut. Souvent il vint à Paris ouvrir ses cartons aux amateurs de cette ville. Selon Thibaudeau il a fait faire 11 ventes d'autographes. Citons celles des 29-30 juin 1847 (direction Puttick et Simpson) produit £ 432 1s., des 29 juillet-2 août 1851 (même direction, produit £ 1610 6s. 6d.) et du 8 août 1864 (chez Sotheby). Les initiales « A. D. » inscrites à l’encre à l’angle inférieur gauche du fol. 2r se rapportent sans doute à Donnadieu.
  
  Le manuscrit Bodmer est présenté par les experts Puttick et Simpson comme autographe au n°525 du catalogue de la vente des 19 juillet-2 août 1851, à la suite d’un autre manuscrit attribué à La Fontaine, Le Chêne et le Roseau, également présenté comme autographe. cf. Catalogue of highly interesting and valuable autograph letters and historical manuscripts, Being the well known collection of Monsr. A. Donnadieu, s.n, [Londres], 1851, p. 87. Il est ensuite remis en vente par les mêmes experts le 10 mars 1862, sans que l’on puisse savoir s’il changea de propriétaire entretemps. cf. Catalogue of an extraordinary collection of autograph letters, of the highest interest, habit, and importance, and in the finest condition, with portraits and other illustrations..., s.n., [Londres], 1862, p. 37, n° 391. L’exemplaire du catalogue de la vente de 1862 conservé à la Boston Public Library désigne en marge les acquéreurs de chaque lot. Le manuscrit Bodmer passa ainsi à cette occasion entre les mains du marchand londonien Marseille Middleton Holloway (c. 1820-1891), alors localisé à Bedford Street, Covent Garden. Celui-ci mit rapidement en vente ses nombreuses acquisitions récentes. cf. HOLLOWAY, M[arseille] M[iddelton], Autographs and Manuscripts. Catalogue of a Selection of Important Historical, Literary and other Autographs, being the second portion of a Collection for Sale, s.n., Londres, 1862 et IBID. ; Autographs and Manuscripts. Catalogue of a Selection of Important Historical, Literary and other Autographs, being the Third Portion of a Collection for Sale, s.n., Londres, 1864. Le manuscrit était encore en Angleterre lorsque Martin Bodmer en fit l’acquisition en novembre 1945 chez Sotheby’s Londres.
  
  Principaux éléments de critique interne plaidant en faveur d’un faux autographe : caractère extrêmement délié de l’écriture, présentant des indices d’arrêt de plume en milieu de lettre ; alignement aléatoire des lettres laissant supposer une écriture discontinue (allers-retours vers le modèle). Principal élément de critique interne plaidant en faveur d’un véritable autographe : la mention « Bouillon », inscrite au crayon de papier à l’angle inférieur droit du fol. 2v, laisse entendre que le manuscrit pourrait provenir de la protectrice de La Fontaine, Marie-Anne Mancini (1649-1714), épouse du duc de Bouillon. Cette dernière fut exilée chez sa soeur en Angleterre de 1687 à 1690, ce qui pourrait laisser la porte ouverte à une localisation du manuscrit outre-Manche dès le XVIIème siècle. Cependant, la mention, clairement allographe, a pu être rajoutée par le faussaire ou un libraire indélicat pour renforcer l’authenticité du manuscrit et lui assurer une provenance de prestige. Une telle intervention exigerait d’être un bon connaisseur de La Fontaine et de son entourage, ce qui était sans conteste le cas du baron Feuillet de Conches (1798-1887), le plus redoutable faussaire du XIXème siècle, lui-même expert auprès des maisons de vente et collectionneur reconnu des oeuvres de La Fontaine. Du point de vue de la critique externe, l’absence de mention du manuscrit dans des documents antérieurs au XIXe siècle ne permet pas d’exclure qu’il ait été forgé à cette période.

Edition

Description matérielle

• TypeManuscript
• Collation1 bifeuillet (= 2 fols) de papier vergé, sans filigrane visible ; texte écrit à l'encre sur 3 pages ; traces de pliures médianes, une horizontale et une verticale. Interventions de libraire au crayon de papier, à l'angle supérieur gauche du fol. 1r, à l'angle inférieur gauche du fol. 1r et à l'angle inférieur droit du fol. 2v ["Bouillon"]. Inscription l'encre d'un précédent possesseur, à l'angle inférieur gauche du fol. 2r ["A.D." pour Alcide Donnadieu].
• ReliureLa reliure anglaise signée « Rivière and Son » (forme privilégiée par la firme après 1880, lorsque le petit-fils de Robert Rivière devient son principal associé), présente le titre du conte A femme avare, galant escroc, ce qui laisse entendre qu’elle fut réalisée en premier lieu pour celui-ci, bien qu’elle abrite désormais également Le Cochet, la Chat et le Souriceau.

Remarques

• Remarques généralesProbable faux manuscrit autographe de La Fontaine.
• BibliographieIsographie des hommes célèbres, tome 2 (1828-1830) [a pu servir de modèle pour la falsification] : GALLICA
  
  Littérature secondaire sur Feuillet de Conches :
  - HUARD, Suzanne, « Feuillet de Conches, roi des faussaires », L'Histoire, 79, juin 1985, pp. 92-93.
  - LE GROS, Alain, Montaigne manuscrit, Paris, Éditions Classiques Garnier, 2010, pp. 759-60.
  - DIESBACH-SOULTRAIT, Vérène de, Six siècles de littérature française. XVIIe siècle. Bibliothèque de Jean Bonna, Genève, Librairie Droz, 2010, 2 vols., t. 2, pp. 189-195.
  - TURNOVSKY, Geoffrey, « Chroniques des Chroniques du Samedi : l’invention d’un manuscrit », Les Dossiers du Grihl, 2017-02 | 2017 : Openedition

Identification

• ConstellationManuscrits Autographes
• PID1769
• Cotems. Bodmer L-1.2*