Genèse et enjeux des illustrations
de la Collection De Bry

 

 

 

 

Il existe déjà, au XVIe siècle, quelques images des découvertes géographiques, mais celles-ci sont assez rares et souvent rudimentaires (qu’on pense aux gravures sur bois qui accompagnent la relation du voyage au Brésil de Hans Staden). A ce titre, la collection de Bry – dont le premier volume paraît presque exactement un siècle après la découverte de l’Amérique (1590) –  constitue une étape décisive dans la représentation visuelle de l’ailleurs. D’une part, par le nombre et la variété des illustrations (cartes, portraits, bestiaires, pratiques culturelles, etc.) ; d’autre part, par le caractère global de ce corpus iconographique (les illustrations se rapportent à l’ensemble du monde connu). A cette volonté manifeste de proposer une image des contrées nouvellement découvertes et de leurs « singularités » s’ajoutent des intentions polémiques. Il s’agit, pour Théodore de Bry et pour ses successeurs, de glorifier les expéditions protestantes anglaises et françaises et de promouvoir l’établissement des Hollandais dans les Indes orientales au détriment des Espagnols et Portugais, souvent dépeints comme de cruels destructeurs.

 

Il n’est toutefois pas possible d’assigner une orientation idéologique à la collection de Bry en raison de son envergure et surtout de ses multiples éditeurs. Composée de vingt-neuf parties publiées sur près d’un demi-siècle (1590-1634) et dirigée par cinq éditeurs successifs, cette collection a pris forme au fil du temps et au gré de l’actualité géopolitique. Théodore de Bry, à l’origine de cette vaste entreprise éditoriale, ne projette aucune forme définitive pour sa collection lorsqu’il en publie la première partie en 1590. A sa mort en 1598, les six premières parties des Grands Voyages qu’il a fait paraître relèvent clairement de la propagande protestante. La promotion de l’établissement des Anglais en Virginie (GV1) et des Français en Floride (GV2), l’aventure brésilienne du réformé Jean de Léry (GV3) et l’Historia de Benzoni d’après la traduction de Chauveton (GV4 à GV6) sont autant de choix éditoriaux qui en témoignent. Quant aux gravures qui accompagnent ces six volumes dirigés par Théodore de Bry, leur dimension polémique est manifeste : tandis que les contacts entre les réformés et les habitants du Nouveau Monde sont dépeints comme pacifiques et cordiaux, on voit presque systématiquement les catholiques espagnols et portugais infliger de cruels supplices aux Indiens qui ne manquent pas de se venger par tous les moyens.

 

A la mort de leur père, Jean-Théodore et Jean-Israël de Bry poursuivent la série des Grands Voyages et initient celle des Petits Voyages, composée de volumes de plus petit format et contenant des textes et des gravures relatifs à l’Afrique et à l’Asie, mais aussi aux îles océaniques, aux contrées septentrionales et aux terres australes. Vingt parties de la collection paraissent sous leur direction (GV7 à GV12 et PV1 à PV11, auxquelles s’ajoutent les suppléments de GV9, GV11 et PV9). La grande majorité des textes qui composent ces parties se rapportent à l’établissement des Hollandais aux Indes orientales, par ailleurs très présents sur les gravures qui dépeignent également les peuples et les curiosités d’outre-mer. Quant aux trois dernières parties, elles sont éditées par les gendres de Jean-Théodore de Bry : Willem Fitzer publie le supplément de PV1 (1625) et la dernière partie des Petits Voyages (PV12, 1628) et Matthieu Merian la dernière partie des Grands Voyages (GV13, 1634). Les gravures sont souvent reprises des parties antérieures de la collection et les textes, multiples et sous forme d’abrégés, viennent compléter le tableau général des voyages d’exploration auquel la collection tend peu à peu à ressembler.

Parmi les quelque six cents gravures qui ornent la collection, près de trois cents ont été réalisées d’après les récits. L’autre moitié a été exécutée à partir de sources iconographiques diverses : dessins, croquis, aquarelles, gravures sur bois, etc. Les de Bry n’étaient par ailleurs pas les seuls à produire des gravures sur cuivre pour illustrer des récits de voyage. A la même époque, plusieurs graveurs de renom ont notamment travaillé pour des maisons d’éditions hollandaises qui faisaient paraître des relations illustrées. Certaines de ces relations ont été rééditées par les de Bry qui se sont parfois simplement contentés de copier les gravures originales.

 

 

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